PERFECTION
Si, en effet, nous ne sommes pas capables de diriger vers Dieu toutes nos pensées, toutes nos affections, et attentions, aussi chastement et purement qu’il serait juste et digne pour l’aimer « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit », mieux vaut du moins l’aimer selon la petite mesure de notre faiblesse que de ne pas l’aimer du tout. Et si nous ne pouvons offrir à Dieu des prières aussi pures que nous le désirerions, mieux vaut prier comme nous le pouvons que de ne pas prier du tout.
Donc, quand la perfection nous est prescrite, gardons-nous de ne rien faire ; mais infléchissons la perfection à ce que nous pouvons, et nous serons en quelque sorte excusés quant à ce que nous devions faire et ne pouvons pas faire.
Comme le Seigneur l’a dit de cette femme qui avait répandu du parfum sur sa tête : « elle a fait ce qu’elle a pu. »
Tous les conseils qui nous sont proposés dans les paroles de Dieu doivent donc être pris et compris de telle manière qu’ils tournent à l’avantage de notre salut éternel et celui de nos frères.
Baudoin de Ford.
DISTRACTION
C’est à l’heure où la prière est devenue impossible et ou votre cœur s’est changé en pierre, que vous apprenez la prière et l’amour.
Si vous n’avez jamais eu de distractions, vous ne savez pas prier. Car le secret de la prière est un violent désir de Dieu et de la vue de Dieu, une fringale qui gît bien plus profondément que le plan du langage ou de l’affection. Et celui que sa mémoire ou son imagination persecuten d’une foule de pensée et d’images inutiles et même mauvaises parfois est obligé de prier beaucoup mieux, dans le tréfond de son cœur meurtri, que celui dont l’esprit vogue sur de limpides concepts, de lumineuses résolutions et de paisibles actes d’amour.
C’est pourquoi il est inutile de vous tourmenter lorsque vous ne pouvez pas chasser les distractions. Premièrement, vous devez vous rendre compte qu’elles sont souvent inévitables dans une vie de prière. La nécessité de s’incliner et d’être noyé sous l’assaut d’une marée montante d’images incohérentes et futiles est une épreuve de la vie contemplative.
Thomas Merton